La frontière tchéco-autrichienne se referme. Partie intégrante du « rideau de fer » jusqu’en 1989, elle était étanche pour empêcher les Tchèques et les Slovaques désireux de fuir le paradis socialiste de réaliser leur rêve. Aujourd’hui, le ministère de l’intérieur tchèque annonce les mesures comprenant le renforcement des contrôles à la frontière et pouvant aller jusqu’à la suspension du trafic ferroviaire entre les deux pays.

La différence majeure par rapport au passé communiste est qu’à l’heure actuelle, on cherche à empêcher les gens de traverser la frontière dans l’autre sens : de l’Autriche vers la République tchèque. Pas un seul immigré illégal ne doit arriver sur le sol tchèque !

Le président compare les musulmans aux nazis

Bien que les autorités de Prague restent quelque peu en retrait par rapport à la rhétorique ainsi que l’action musclées du premier ministre hongrois Viktor Orbán, elles en sont les disciples zélés. C’est notamment le président tchèque Miloš Zeman, l’ami des présidents russe, chinois ou azéri (il vient d’effectuer une visite officielle à Bakou), qui multiplie des déclarations contre les réfugiés.

Le 2 août dernier, dans une émission radiophonique à Prague, il a lancé ses « trois phrases » destinées aux immigrés musulmans : « Première phrase : Personne ne vous a invités chez nous. Deuxième phrase : Si vous êtes déjà là, vous devez respecter nos coutumes, comme nous respectons les vôtres lorsque nous venons chez vous. Troisième phrase : Si ça ne vous plaît pas, retournez chez vous ! »

Dans une interview publiée le 4 août dans l’hebdomadaire tchèque Reflex, il est allé encore plus loin en déclarant : « Il n’y a pas de musulman modéré, c’est un oxymore ou contre-sens du genre de nazi modéré. »

Gare aux gens à la peau mate ainsi qu’à l’islam !

Les politiciens, à quelques exceptions près, soulignent les dangers liés à l’afflux des réfugiés en Europe ; certains affichent leur nette préférence pour les immigrés ukrainiens « qui nous sont proches et par leurs origines et par leur amour du travail » (dixit le président Miloš Zeman), d’autres privilégient l’accueil des chrétiens de Proche Orient (dans le pays le plus athée d’Europe !).

Dans leur majorité, les médias relaient la classe politique en favorisant les images des réfugiés agressifs, emportés par la colère. La population se laisse gagner par la peur et en appelle à une attitude ferme face aux immigrés qui, pourtant, cherchent à éviter le territoire tchèque comme la peste.

Le fait qu’il n’y ait quasiment aucune minorité non-européenne, mise à part une forte communauté vietnamienne, installée dans les années 1970 et bien intégrée depuis, joue un rôle non-négligeable dans ce qu’on pourrait appeler une hystérie xénophobe collective.

D’aucuns souhaiteraient qu’un nouveau rideau de fer soit dressé autour du pays. Paradoxalement, c’est ce même rideau de fer, démantelé il y a plus d’un quart de siècle, qui aurait contribué à l’isolement moral actuel de la société tchèque vis-à-vis du reste de l’Europe.

Rue89, 20. 9. 2015