Quand je prends l’unique ligne du métro de Rennes, je m’occupe à observer les voyageurs. Plus de la moitié d’entre eux tiennent leur portable à la main. Aujourd’hui, il n’y a rien d’exceptionnel là-dedans. De prime abord, il s’agit là d’une population très homogène ; l’une de mes connaissances les appelle les « lobotomisés » ou bien les « têtes baissées » (sur leur portable s’entend).

En l’étudiant de plus près, j’ai découvert qu’il y avait des différences en son sein. Elles ne sont certes pas énormes, néanmoins j’espère que les scientifiques apprécieront ma nouvelle catégorisation.

Le premier groupe, les « attachés » passent leur temps à suivre les réseaux sociaux. Vous les reconnaissez à ce qu’ils fabriquent sans arrêt quelque chose sur l’écran de leur portable. Ils sont connectés en permanence ; heureusement qu’ils ne peuvent pas tomber sous les roues d’un train car, chez nous à Rennes, nous avons un métro sans conducteur et le quai est séparé du rail par des portillons automatiques.

Un autre groupe sont les « joueurs ». Ils tiennent leur appareil à l’horizontale et leur pupilles font des mouvements rapides ininterrompus, comme lors d’un sommeil paradoxal.

Le troisième groupe, émotionnellement chargé, je l’ai baptisé « le meilleur ami ». Il est question de leur portable qu’ils tiennent comme une relique précieuse. Au sein de ce groupe peuplé surtout des adolescents, j’ai pu identifier un sous-groupe nommé « Madone » : bon nombre de jeunes demoiselles, en position assise, serrent tendrement leur portable sur la poitrine, comme un bébé. Je suppose qu’on ne peut pas encore allaiter un portable.

Le quatrième groupe, très attardé au plan évolutif, correspond aux gens qui ont leur portable collé à l’oreille. Imaginez que ces gens-là s’en servent pour téléphoner ! Certains d’entre eux ne sont peut-être même pas au courant de ce qu’un téléphone portable serve à tout autre chose.

Deník Metro, 20. 9. 2019